Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LES MILLE ET UN JOURS

interrompit la dame, et songe que tu viens ici acheter une esclave. Allons nous mettre tous à table, j’espère que nous pourrons te divertir. »

En disant cela, elle prit Couloufe par la main, et le conduisit dans une salle où ils s’assirent avec toutes les autres dames à une longue table couverte de corbeilles de sandal pleines de tablettes et de confitures sèches ; des confitures mamouny, des pommes tannoury, du pilau couzina, lafizina, chekerina, et d’autres choses encore. Après avoir mangé, ils se levèrent. On leur apporta un bassin et une aiguière d’or : les dames se lavèrent les mains avec des pâtes d’amandes de Cousa, du savon de Ricca, du docna de Bagdad, et de la poudre d’aloès comari ; puis s’étant essuyées avec des mouchoirs de soie de couleur de rose, elles allèrent à la chambre du vin. C’était un réduit agréable orné de plusieurs caisses de baumes, de roses et d’autres fleurs odorantes qui bordaient un bassin de marbre plein d’une forte belle eau. Ce bassin servait à rafraîchir le vin et contribuait, en mêlant du frais à l’odeur des fleurs, à rendre ce réduit délicieux. Toutes les dames firent boire Couloufe, et burent aussi elles-mêmes ; de sorte que la compagnie retourna dans le salon la tête un peu échauffée.

Là, quelques-unes de ces dames commencèrent à danser, et les autres à jouer de la harpe, de la guitare de David appelée conoün, de l’orgue arganoün, et du violon barbot. Mais avec quelque délicatesse qu’elles jouassent de ces instruments, elles n’approchaient pas de la dame dont le fils d’Abdallah était enchanté. Cette incomparable personne voulant à son tour montrer ce qu’elle savait faire, prit un luth (aoud), et l’ayant accordé, elle joua d’une manière ravissante. Puis se faisant donner une harpe, elle joua sur le