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CONTES ORIENTAUX

qui était beaucoup plus belle que la première, parut. Elle s’avança d’un air gracieux vers le fils d’Abdallah, lui prit les mains, les baisa, et se mit en devoir de lui laver les pieds dans un bassin d’or. Il n’y voulut pas consentir, et frappé de la beauté dont elle était pourvue, il se leva pour se jeter à ses genoux, et dans la résolution de s’arrêter à celle-là. Mais il demeura tout à coup immobile et comme un homme qui a perdu l’usage de ses sens, car il aperçut vingt jeunes demoiselles toutes plus charmantes les unes que les autres. Elles accompagnaient une jeune personne encore plus belle et plus richement habillée qu’elles, et qui paraissait être leur maîtresse. Couloufe crut voir la lune environnée d’étoiles, et, à la vue de cet objet ravissant, il s’évanouit.

Toutes les esclaves accoururent aussitôt à son secours, et l’ayant fait revenir de son évanouissement, la dame qui l’avait causé, lui adressa la parole : « Sois le bienvenu, lui dit-elle, pauvre oiseau pris par les pieds. » Couloufe baisa la terre et poussa un profond soupir. On le fit asseoir sur un sofa. Cependant on apporta du sorbet dans une coupe d’or enrichie de pierreries. La dame en but et présenta le reste au jeune homme. Ensuite elle s’assit auprès de lui, et remarquant qu’il était si troublé qu’il ne pouvait prononcer une parole : « D’où naît le trouble qui t’agite, lui dit-elle ? Bannis cette sombre tristesse qui paraît dans tes yeux. Tu t’ennuies déjà sans doute avec nous ; notre compagnie te déplaît. — Ah ! belle dame, répondil-il en la regardant d’un air tendre, cessez, de grâce, cessez de m’insulter. Vous savez trop qu’on ne peut voir vos charmes impunément. Je suis, je l’avoue, hors de moi-même ; un trouble inconcevable agite tous mes esprits. — Sois donc de bonne humeur,