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LES MILLE ET UN JOURS

ne voulaient plus le lui payer ; qu’ils s’étaient ligués ensemble, et qu’ils avaient déjà des troupes sur pied pour s’opposer à Cabal-Kan, s’il entreprenait de pénétrer dans leur pays. Couloufe ayant appris cette nouvelle, alla offrir ses services au roi, qui lui donna de l’emploi dans son armée. Ce jeune homme se signala dans cette guerre par des exploits qui lui attirèrent l’admiration des soldats, l’estime des officiers et la protection du prince Mirgehan, fils du roi des Keraïtes. Il n’en demeura pas là. Comme, à l’exemple de ces deux rois voisins, d’autres princes qui payaient aussi tribut se soulevèrent, Cabal-Kan fut obligé de tourner ses armes contre ces nouveaux ennemis, qu’il réduisit à lui demander la paix. Le fils d’Abdallah fit encore paraître tant de courage dans les occasions qu’on lui donna de se distinguer, que Mirgehan voulut l’avoir auprès de lui.

Couloufe gagna bientôt l’amitié de ce prince, qui, découvrant en lui tous les jours plus de mérite, l’honora de sa confiance. Peu de temps après, Cabal-Kan mourut. Le prince son fils lui succéda, et fut à peine sur le trône, qu’il combla de bienfaits le fils d’Abdallah et en fit son favori. Couloufe voyant que ses affaires avaient entièrement changé de face, et qu’il n’avait jamais été plus heureux, dit en lui-même : « Il faut bien que tous les événements de notre vie soient marqués dans le ciel. Quand je vivais à Damas dans les plaisirs, y avait-il quelque apparence que je pusse tomber dans la misère, et lorsque je suis venu à Caracorum, pouvais-je raisonnablement espérer que je deviendrais ce que je suis ! Non, non, toutes nos prospérités et nos disgrâces ne sauraient ne nous pas arriver. Vivons donc au gré de nos désirs, et subissons le sort que nous ne pouvons éviter. »