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LES MILLE ET UN JOURS

Les riches pleuraient un ami qui les recevait agréablement chez lui, et les pauvres un bienfaiteur dont ils n’avaient jamais pu lasser la charité. C’était une consternation générale.

Le malheureux Aboulcasem fut enfermé dans le cercueil, que le peuple, par ordre d’Aboulfatah, porta hors de la ville dans un grand cimetière où il y avait plusieurs tombeaux, et entre autres un magnifique où reposait le père de ce vizir avec quelques autres personnes de sa famille. On mit le cercueil dans ce tombeau, et le perfide Aboulfatah, appuyant sa tête sur ses genoux, se frappait la poitrine. Il faisait toutes les démonstrations d’un homme que le désespoir possède. Tous ceux qui le voyaient en avaient pitié et priaient Dieu de le consoler.

Comme la nuit approchait, tout le peuple se retira dans la ville, et le vizir demeura avec deux de ses esclaves dans le tombeau, dont ils fermèrent la porte à double tour. Alors ils allumèrent du feu, firent chauffer de l’eau dans un bassin d’argent, puis ayant tiré du cercueil Aboulcasem, ils le lavèrent d’eau chaude. Ce jeune homme reprit peu à peu ses esprits. Il jeta les yeux sur Aboulfatah qu’il reconnut. « Ah ! seigneur, lui dit-il, où sommes-nous, et dans quel état me vois-je réduit ? — Misérable, lui répondit le ministre, apprends que c’est moi qui cause ton infortune. Je t’ai fait apporter ici pour t’avoir en ma puissance et te faire souffrir mille maux, si tu ne me découvres ton trésor. Je mettrai ton corps en pièces. J’inventerai tous les jours de nouveaux supplices pour te rendre la vie insupportable. En un mot, je ne cesserai point de te tourmenter, que tu ne me livres ces richesses cachées qui te font vivre avec plus de magnificence que les rois. — Vous pouvez faire tout ce qu’il vous