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LES MILLE ET UN JOURS

Peu de temps après, le vizir Aboulfatah-Waschy m’envoya chercher, et m’ayant fait entrer dans son cabinet, il me dit : « Ô jeune homme, j’ai appris que tu as découvert un trésor. Tu sais que le quint appartient à Dieu. Il faut que tu le donnes au roi. Paye donc le quint, et tu demeureras tranquille possesseur des quatre autres parts. » Je lui répondis : « Seigneur, je veux bien vous avouer que j’ai trouvé un trésor, et je vous jure en même temps, par le grand Dieu qui nous a créés l’un et l’autre, que je ne le découvrirai point, quand on devrait me mettre en pièces. Mais je m’engage à vous donner tous les jours mille sequins d’or, pourvu qu’après cela vous me laissiez en repos. » Aboulfatah fut aussi traitable que le lieutenant de police, il m’envoya un homme de confiance à qui mon trésorier donna trente mille sequins pour le premier mois.

Ce vizir, craignant sans doute que le roi de Basra n’apprît ce qui se passait, aima mieux le lui dire lui-même. Ce prince l’écouta fort attentivement, et la chose lui paraissant mériter d’être approfondie, il me voulut voir. Il me reçut d’un air riant, et me dit : « Ô jeune homme, pourquoi ne me montres-tu pas ton trésor ? Me crois-tu assez injuste pour te l’enlever ? — Sire, lui répondis-je, que la vie de votre majesté soit aussi longue que les siècles ; mais dût-on m’arracher la chair avec des tenailles brûlantes, je ne découvrirai point mon trésor. Je consens de payer chaque jour à votre majesté deux mille sequins d’or. Si vous refusez de les accepter, et que vous jugiez plus à propos de me faire mourir, vous n’avez qu’à ordonner. Je suis prêt à souffrir tous les supplices imaginables, plutôt que de contenter votre curiosité. »

Le roi regarda son vizir à ce discours, et lui