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CONTES ORIENTAUX

d’eau que je lui portai. Elle en but, et puis ouvrant les yeux, elle me regarda.

« Ô jeune homme, me dit-elle, qui viens si à propos à mon secours, tâche d’arrêter mon sang. Je ne crois pas mes plaies mortelles. Sauve-moi la vie ; tu ne t’en repentiras pas. »

Je déchirai mon turban et une partie de ma veste, et quand j’eus bandé ses plaies : « Pousse la charité jusqu’au bout, me dit-elle ; porte-moi dans la ville et me fais panser. — Belle dame, lui dis-je, je suis étranger ; je ne connais personne dans cette ville. Si l’on me demande par quelle aventure je me trouve chargé d’une fille assassinée, que faudra-t-il que je réponde ? — Dis que je suis ta sœur, répartit-elle, et ne te mets point en peine du reste. »

Je pris la dame sur mon dos. Je la portai dans la ville, et j’allai loger dans un caravansérail où je lui fis préparer un lit. J’envoyai chercher un chirurgien qui la pansa, et qui m’assura que ses blessures n’étaient pas dangereuses. En effet, elle fut guérie au bout d’un mois. Pendant qu’elle était convalescente, elle demanda du papier et de l’encre. Elle écrivit une lettre, et me la mettant entre les mains : « Va, me dit-elle, au lieu où s’assemblent les marchands, demande Mahyar, présente-lui ma lettre, prends ce qu’il te donnera, et reviens. »

Je portai la lettre à Mahyar. Il la lut avec beaucoup d’attention, la baisa fort respectueusement et la mit sur sa tête. Il tira ensuite deux grosses bourses pleines de sequins d’or qu’il me donna. Je les pris et revins trouver la dame, qui me chargea de louer une maison. J’en louai une, et nous y allâmes tous deux loger. Sitôt que nous y fûmes arrivés, elle écrivit une seconde lettre à Mahyar, qui me donna quatre bourses