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CONTES ORIENTAUX

sofa, une jeune dame qui avait au cou un carcan, et aux pieds des chaînes de fer. Ses bras étaient enfermés dans un sac de cuir lié avec des courroies, et cette malheureuse, accablée sous le poids de sa destinée, laissait tristement tomber sa tête sur ses genoux. Je me suis approché d’elle par pitié, dans le dessein de la soulager. Elle a levé la tête, et j’ai reconnu, dans cette infortunée, ma libératrice, l’aimable Ghulnaze.

À cet objet touchant, la fureur m’a transporté : « Ô ma reine, me suis-je écrié, dans quel état vous retrouvé-je ? Quelles barbares mains ont pu vous charger de fer ? — Ô mon cher Symorgue, a-t-elle répondu, est-ce vous que je vois ? quel mauvais génie vous a ramené ici ? Hélas ! vous serez bientôt la victime de ma cruelle sœur. Elle s’est aperçue que je vous ai délivré ; et pour m’en punir, elle me retient dans les chaînes : j’y suis déjà depuis longtemps ; mais ce qui m’afflige plus que tout le reste, c’est le péril où vous venez vous jeter. Sauvez-vous promptement, tâchez de vous dérober à l’inhumaine Mehrefza. — Eh quoi ! ma sultane, ai-je repris, vous voulez que je fuie et que je vous abandonne ? Me croyez-vous capable d’une si noire ingratitude ? Ah ! j’aime mieux cent fois éprouver le ressentiment de votre sœur. La mort la plus terrible n’a rien qui puisse m’épouvanter lorsqu’il s’agit de vous tirer de la situation où je vous vois. Apprenez-moi, de grâce, ce qu’il faut faire pour vous délivrer, et, si c’est une chose possible, j’espère en venir à bout.

— Puisque vous avez tant de courage, répliqua Ghulnaze, ma liberté dépend de vous. Allez dans le jardin du côté de l’occident, vous y trouverez ma sœur endormie sur un lit de gazon parsemé de