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CONTES ORIENTAUX

vous en dis pas davantage, le reste dépend de votre adresse. »

Je promis de suivre de point en point les instructions de Ghulnaze, qui me mit entre les mains une autre petite boîte où était la poudre blanche, et un papier plié où l’oraison que je devais réciter sur le prince de Cachemire était écrite. « Partez, seigneur, me dit-elle ensuite, éloignez-vous promptement de ce palais ; je crains que ma sœur ne revienne. Hélas ! ajouta-t-elle en soupirant, le mal qu’elle me peut faire pour avoir détruit son enchantement n’est pas ce que j’appréhende le plus. »

Je sentis tout ce qu’il y avait d’obligeant pour moi dans ces dernières paroles. Je fis de nouveaux remerciements à Ghulnaze, dans des termes qui marquaient une vive reconnaissance. Nous étions tous deux fort satisfaits l’un de l’autre, et nous aurions souhaité d’être plus longtemps ensemble ; mais, comme nous appréhendions que Mehrefza ne vînt nous surprendre, nous fûmes obligés de nous séparer. Je pris donc le chemin de Cachemire. D’abord que je fus auprès de cette ville, je me dépouillai de mes habits et me revêtis de celui de derviche, après m’être frotté le corps avec la graisse que j’avais dans la boîte d’ébène. Je me présentai ensuite aux portes ; les gardes me menèrent au roi, qui me mit entre les mains du grand-prêtre. Je marchai sur l’eau et sur la plate-forme de lames d’acier, sans me faire le moindre mal ; puis j’entrai dans le temple, où je vis le grand Kesaya placé sur son trône. C’est, comme vous le savez, une idole de bois de sandal. Ses yeux sont deux grosses escarboucles. Il a sur la tête une couronne de rubis, et il est ceint d’une ceinture de turquoises.