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LES MILLE ET UN JOURS

appartement. » En achevant ces mots, elle rentra dans le palais.

La gouvernante s’adressa par hasard à moi, et me conduisit à sa maîtresse, qui chargea une de ses demoiselles de lui aller cueillir d’une certaine herbe qu’elle lui nomma. La demoiselle s’acquitta promptement de sa commission et revint avec une grosse poignée de cette herbe. La dame en prit la moitié, qu’elle pressa elle-même, et dont elle me fit avaler le jus. Puis elle prononça ses paroles : « Ô jeune homme, quitte ta forme de cerf, et reprends ta naturelle. » Aussitôt je devins tel que j’étais auparavant ; je me jetai aux pieds de la dame pour la remercier. Elle me demanda mon nom et mon pays, et ce qui m’avait attiré dans le royaume de Cachemire. Je répondis à toutes ses questions, et je ne lui déguisai rien.

Lorsque j’eus achevé de parler, elle me dit : « Je suis fille d’un prince de la cour où vous voulez aller. Je m’appelle la princesse Ghulnaze : celle qui vous a changé en cerf est ma sœur aînée, et se nomme Mehrefza ; c’est une magicienne dont le pouvoir est redoutable ; personne que moi ne pouvait vous délivrer de ses mains, et, quoique je sois sa sœur, si elle s’aperçoit de ce que je viens de faire, je crains d’éprouver son ressentiment ; mais, quelque chose qui arrive, je ne me repentirai point de vous avoir tiré de l’état où vous étiez. Je prétends même que vous m’ayez encore plus d’obligation ; je veux vous aider à rendre heureux le prince votre ami. J’avoue qu’il est très difficile de faire son bonheur ; car il faut pour cela gagner la confiance de la princesse qu’il aime, ce que vous ne pouvez faire qu’en passant dans la cour de Cachemire pour un saint personnage.