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CONTES ORIENTAUX

une housse de satin vert qu’elle me mit elle-même sur le dos. Puis on me mena dans un grand parc où il y avait plus de deux cents autres cerfs, ou plutôt c’étaient des hommes que leur mauvaise fortune avait attirés comme moi en cet endroit, et que la cruelle Mehrefza avait aussi changés en cerfs.

J’eus tout le loisir de faire des réflexions sur mon malheur, que je sentais moins pour l’amour de moi, qu’à cause de Farrukhschad. « Hélas ! disais-je, en moi-même à tout moment, que deviendra mon cher prince ! Comment pourra-t-il obtenir l’accomplissement de ses désirs ? Il attend que je lui mène la princesse qu’il adore, et il ne me reverra jamais. » J’étais sans cesse occupé de cette pensée, qui me causait une affliction inconcevable.

Un jour je vis entrer dans le parc huit ou dix dames, parmi lesquelles il y en avait une jeune parfaitement belle, et qui, par la richesse de ses habits, paraissait être la maîtresse des autres. Elle avait auprès d’elle une gouvernante à qui elle dit en voyant tous les cerfs : « En vérité, je plains bien tous ces malheureux. Que la princesse Mehrefza, ma sœur, est inhumaine ! Le ciel nous a donné à l’une et à l’autre des inclinations bien différentes. Appliquée sans relâche à tourmenter le genre humain, il semble qu’elle n’ait appris la magie que pour faire des misérables ; et moi, si je possède quelques secrets, je n’en ai jamais fait un mauvais usage. Je ne les emploie uniquement qu’à procurer le bien ; je me plais à faire des actions charitables, et il me prend envie d’en faire une aujourd’hui, puisque ma sœur est absente. Allez, ma bonne mère, ajouta-t-elle, allez prendre un de ces cerfs, et me l’amenez dans mon