Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
LES MILLE ET UN JOURS

À mon réveil, j’aperçus cinq ou six biches blanches qui avaient des housses de satin bleu, et aux pieds des anneaux d’or. Elles vinrent à moi : je commençai à les flatter ; mais en les flattant, je remarquai qu’elles répandaient de grosses larmes. Cela me surprit, et je ne savais ce que j’en devais penser, lorsque, tournant les yeux vers le palais, je vis à une fenêtre une dame charmante, qui me faisait signe d’approcher. Aussitôt je laissai mon cheval dans la prairie, et je m’avançai pour l’aller joindre, quoique les biches semblassent vouloir m’en empêcher en me mordant le bas de ma robe, et en se mettant même au-devant de moi.

Ce n’est pas qu’étonné des mouvements comme des pleurs de ces animaux, je ne fisse réflexion dans le moment qu’il y avait peut-être du mystère là-dessous ; mais l’attrait du plaisir étourdit ma prudence et m’entraîna. J’arrive à la porte du palais ; j’entre. La dame, qui me parut encore plus belle de près que de loin, me fit un accueil favorable, me prit par la main, me conduisit dans un appartement superbe et me fit asseoir avec elle sur un sofa. Après les premiers compliments, plusieurs esclaves apportèrent des fruits dans un bassin de porcelaine de la Chine. La dame prit le plus beau qu’elle me présenta ; mais à peine en eus-je goûté qu’elle changea tout à coup de visage, et me dit : « Téméraire étranger, éprouve le châtiment destiné à tous ceux qui, comme toi, sont assez hardis pour entrer dans le palais de Mehrefza. Quitte ta forme naturelle et prends celle d’un cerf ; perds l’usage de la parole, mais conserve l’entendement humain, pour sentir toujours ton malheur. »

Elle n’eut pas achevé ces mots que je me trouvai métamorphosé en cerf. En même temps on apporta