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CONTES ORIENTAUX

unique, qui était un prince de grande espérance ; il n’est pas encore consolé de cette perte. »

Nous fûmes touchés de ce récit, et nous nous rendîmes au palais du roi, qui fit tous les honneurs imaginables à Farrukhschad, et qui, trouvant en lui quelque ressemblance avec son fils, ne put s’empêcher de répandre des larmes. « Que vois-je, seigneur ? lui dit mon prince. Faut-il que ma vue vous arrache des pleurs ? Suis je assez malheureux pour vous donner occasion de rappeler un triste souvenir ? — Oui, mon prince, répondit le roi, le rapport que vos traits ont avec ceux de mon fils renouvelle ma douleur ; mais je vous regarde comme un nouvel enfant que le ciel m’envoie pour me consoler de la perte de l’autre. Je commence même à sentir déjà pour vous une partie de la tendresse que j’avais pour lui. Demeurez, de grâce, auprès de moi ; tenez le rang qu’il tenait dans ma cour, et vous serez mon héritier. » Farrukhschad remercia le roi de ses bontés, et résolut de faire un long séjour à Gaznine, plus par complaisance pour ce vieux monarque que pour s’assurer la possession du trône qu’il lui offrait.

On voyait tous les jours diminuer la douleur du vieux roi, qui prit insensiblement tant d’amitié pour le prince de Perse qu’il ne pouvait plus vivre sans lui. Un jour qu’ils s’entretenaient tous deux, Farrukhschad s’avisa de demander de quelle maladie le prince de Gaznine était mort. « Hélas ! dit le roi, la cause de sa mort est bien extraordinaire ; c’est l’amour qui l’a mis au tombeau. Apprenez cette fatale aventure. Mon fils entendit parler de la princesse de Cachemire ; et, sur le portrait qu’on lui en fit, il en devint amoureux. J’envoyai aussitôt de riches présents au roi Togrul-Bey par un ambassadeur, qui lui