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LES MILLE ET UN JOURS

la nuit sans s’arrêter ; ils arrivèrent avec le jour dans une prairie où mille espèces de fleurs différentes réjouissaient la vue et l’odorat. La prairie aboutissait à un jardin dont les murs étaient de marbre blanc. À une extrémité du mur s’élevait un cabinet de bois en sandal rouge, avec un balcon doré, et dessous coulait un ruisseau de la plus belle eau du monde, qui se répandait dans la prairie et arrosait les fleurs. La beauté du lieu les invitait à s’y arrêter, ils descendirent de cheval et s’assirent sur les bords du ruisseau.

Ils étaient charmés d’un endroit si délicieux ; mais, pendant qu’ils l’admiraient, le derviche changea tout à coup de couleur ; son visage se couvrit d’une pâleur semblable à celle de la mort et tout son corps frissonna. Farrukhnaz et sa nourrice, épouvantées de ce changement, lui en demandèrent la cause : « Ô ma princesse, répondit le derviche en jetant sur la fille de Togrul-Bey des regards où sa frayeur était peinte, quel démon nous a conduits ici ? Ce cabinet qui est au-dessus de nous, cette prairie, les murs de ce jardin, tout m’annonce que c’est ici la demeure redoutable de la magicienne Mehrefza. Si elle nous aperçoit, nous sommes perdus. Hélas ! j’atteste le ciel que je ne tremble que pour vous ; si j’étais ici seul, je formerais une grande entreprise et je me sens assez de courage pour l’exécuter. — Faites, lui dit Farrukhnaz, comme si nous n’étions pas avec vous. Si notre mauvaise destinée veut que nous périssions dans ce lieu, du moins je remplirai mon sort avec une fermeté digne de la noblesse de mon sang.

— Ah ! belle princesse, s’écria le derviche, la résolution où je vous vois dissipe toute ma crainte. Je vais acquérir une gloire immortelle ou me perdre.