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CONTES ORIENTAUX

cette manière pour vous faire expier voire fierté. — Cette démarche, reprit la princesse, n’est pas de mon goût, je vous l’avoue ; cependant, je suis prête à vous suivre, pourvu que mon père y souscrive. — Je vous réponds de son consentement, repartit le derviche ; reposez-vous de cela sur moi ; retournez au palais, et préparez-vous à partir. » Farrukhnaz fit ce que lui prescrivait le saint homme, et lui se rendit un moment après chez le roi.

Il trouva Togrul-Bey qui s’entretenait avec la nourrice de la princesse. Aussitôt que le roi le vit paraître, il lui dit : « Approchez, saint derviche ; vous n’êtes point ici de trop. Nous parlons du prompt changement qui s’est fait dans le cœur de ma fille : vous êtes l’auteur de ce prodige. Elle haïssait les hommes, vous avez en un moment triomphé de cette haine. Un seul de vos entretiens a plus fait que toutes les histoires de Sutlumemé. — Sire, lui répondit le grand-prêtre, j’ai poussé les choses encore plus loin ; Farrukhnaz, non seulement ne hait plus les hommes, elle est même amoureuse du prince de Perse. »

Alors le derviche conta tout ce qui s’était passé entre la princesse et lui, et déclara les volontés de Kesaya. Togrul-Bey, après avoir rêvé quelque temps, dit au grand-prêtre : « C’est à regret que je vois ma fille réduite à partir de cette sorte ; mais, puisque Kesaya l’ordonne, je me garderai bien de m’y opposer ; d’ailleurs, elle sera sous votre conduite, je ne dois rien appréhender. » Le roi consentit donc au départ de Farrukhnaz, qui sortit de Cachemire dès la nuit même avec sa nourrice et le derviche seulement ; car le saint homme assurait que Kesaya voulait que la princesse fît le voyage sans sa suite.

Ils étaient tous trois à cheval. Ils marchèrent toute