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LES MILLE ET UN JOURS

Kesaya d’avoir pitié de vous ; mais, malgré tout son pouvoir, ne pensez pas qu’il puisse vous tirer de l’abîme où vous êtes plongée, si vous ne faites de votre côté quelque effort pour en sortir. »

Le derviche en cet endroit remarquant que la princesse commençait à pleurer, tant elle était effrayée de ce discours, lui dit : « Ma fille, essuyez vos pleurs, je vois que votre cœur se dispose à changer. Je promets de vous arracher au démon, pourvu que vous vous abandonniez à mes conseils. » Farrukhnaz promit de faire tout ce qu’il lui prescrirait, puis elle baisa la main du saint homme, et s’en retourna au palais.

Le jour suivant elle se rendit encore au monastère, et quand elle fut seule avec le derviche, il lui dit : « Princesse, j’ai vu cette nuit en songe le grand Kesaya, qui m’a dit : Ô religieux, Farrukhnaz n’est plus haïe du Très-Haut, elle n’a plus mauvaise opinion des hommes ; mais il faut qu’elle ait pitié d’un jeune prince qui brûle et languit pour elle nuit et jour ; car le Tout-Puissant a écrit sur la table de la prédestination qu’elle sera son épouse. »

La princesse fut étonnée de ces paroles. « Eh ! comment puis-je, dit-elle, soulager le jeune prince, si j’ignore qui il est ? — Kesaya, répondit le grand-prêtre, m’a dit que c’était le prince de Perse ; qu’il se nomme Farrukhschad ; qu’il est si beau, si charmant que jamais mère n’a mis au monde un homme si parfait. — Ô mon père, répliqua Farrukhnaz, ce discours me surprend ; un jeune prince qui ne m’a point vue peut-il être amoureux de moi ? — Je vais, repartit le derviche, vous dire de quelle manière cela s’est fait ; car Kesaya, qui a bien prévu toutes les questions que vous pourriez me faire là-dessus, a pris soin de m’instruire de toutes les circonstances de cette aventure ; si bien que