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CONTES ORIENTAUX

Quelques jours après, Togrul-Bey alla encore visiter le derviche, qui lui dit : « J’ai enfin obtenu du grand Kesaya la permission de parler à la princesse. Je veux lui faire un sermon, peut-être la mettrai-je dans la voie du salut. » Le roi, ravi que le saint homme eût pris cette résolution, en avertit Farrukhnaz, qui, dès le jour suivant, ne manqua pas de se présenter à la porte du monastère, et de demander le saint derviche. Le portier la fit entrer et la conduisit par ordre du grand-prêtre dans une grande salle où il la pria d’attendre un moment.

On voyait peints sur le mur, en trois endroits différents, une biche arrêtée dans un piège et un cerf qui faisait tous ses efforts pour la délivrer ; et dans un endroit seulement, étaient représentés un cerf pris, et une biche qui le regardait dans le piège, sans se mettre en peine de le secourir. La princesse jeta d’abord les yeux sur ces peintures et les considéra avec étonnement. « Que vois-je ? dit-elle. Juste ciel, voici le contraire de mon songe ! Ces trois cerfs font tous leurs efforts pour délivrer les biches, et j’aperçois une biche qui abandonne un cerf. Que dois-je penser de ces objets ? Ah ! sans doute je me suis trompée dans le jugement que j’ai fait des hommes ! Ils sont plus reconnaissants que je ne l’ai cru. Que je suis fâchée de leur avoir fait cette injustice ! »

Pendant que la princesse faisait cette réflexion, le grand-prêtre entra dans la salle d’un air grave. Elle voulut se jeter à ses pieds, mais il l’en empêcha ; et, l’ayant fait asseoir, il lui dit : « Ô Farrukhnaz, le roi votre père est fort affligé de vous voir dans des sentiments si contraires à la nature et aux lois du Seigneur. Vous êtes sous la puissance du démon ; c’est lui qui vous a prévenue contre les hommes. J’ai prié le grand