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LES MILLE ET UN JOURS

de lui : « Hé bien, saint derviche, lui dit-il, avez-vous obtenu la guérison de mon fils ? — Oui, sire, lui répondit le grand-prêtre, Kesaya l’a demandée au seigneur, qui a bien voulu la lui accorder. » À cette réponse, le roi, saisi de joie, embrassa le saint homme, et le conduisit lui-même à l’appartement du prince Farrukhrouz. Le derviche s’assit au chevet du lit du malade, et d’un air assez mystérieux récita une oraison. Il ne l’eût pas achevée que le prince, qui depuis longtemps avait perdu la parole, fit un grand cri, et dit : « Ô mon père, consolez-vous, je suis guéri ! » À ces mots, il se leva, et l’on ne parla plus dans la ville de Cachemire que de la sainteté du grand-prêtre.

Farrukhnaz ne put entendre vanter un si dévot personnage, sans avoir envie de le voir et de l’entretenir. Pour cet effet, elle sortit du palais, accompagnée de ses femmes et de ses eunuques, et se rendit à la porte du monastère des prêtres de Kesaya ; mais elle fut bien surprise lorsqu’on vint lui dire que le grand-prêtre lui défendait d’entrer. La princesse, piquée de cette défense, alla sur-le-champ s’en plaindre au roi, qui voulut en savoir la cause. Il va chez le grand-prêtre, et lui demande pourquoi il a fait difficulté de recevoir la visite de Farrukhnaz. « Seigneur, lui répondit le derviche, c’est que cette princesse n’est pas obéissante au Très-Haut ; elle fuit les hommes, elle les regarde comme ses ennemis, et marche dans la voie de l’oisiveté. À moins qu’elle ne change de sentiment, il ne m’est pas permis de lui parler. Kesaya me l’a défendu ; mais, ajouta-t-il, si elle se corrige, je lui rendrai tous les services qui dépendront de moi. » Le roi, n’ayant rien à répliquer à ce discours, s’en retourna dans son sérail.