Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
LES MILLE ET UN JOURS

quand il vit qu’on le proclamait roi, il demanda la raison du choix que l’on faisait de sa personne pour commander et pour régner. « Sire, répondit un des chefs, les anciens philosophes de ce pays ont posé un talisman à la fontaine que vous avez vue, et dressé pour ce sujet sous des constellations faites selon les règles de leur art. Lorsque quelque brave, après avoir passé l’eau à la nage, apporte au haut de la montagne le lion de marbre (ce qui arrive seulement quand le roi de cette ville et de l’État qui en dépend, est mort), la ville, comme Votre Majesté a pu le voir, va au-devant de lui, au rugissement du lion, et le met sur le trône, à la place du défunt. Il y a nombre d’années, et même plusieurs siècles, que cette coutume est en usage parmi nous. »

À ce discours, Ganem connut que toutes les disgrâces et toutes les peines qu’il avait souffertes avaient été autant de degrés pour arriver à cette haute fortune, et que lorsque les belles actions ont la gloire pour but, la gloire, de son côté, fait réciproquement toutes les démarches nécessaires pour être leur récompense.

De cette aventure, ajouta l’esclave, vous pouvez aisément conclure que l’on ne jouit des douceurs qu’après les amertumes. C’est une maxime aussi ancienne que le monde, et vous la trouverez dans tous les livres de la morale.