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LES MILLE ET UN JOURS

voir, et accompagnez ce que je vais faire de vos prières et de vos vœux. Permettez-moi de vous faire souvenir de ce que dit un poète : « Je sais que vous n’êtes pas d’un tempérament à boire du vin ; ne laissez pas néanmoins de venir et d’entrer au cabaret, pour voir les buveurs le verre à la main. »

Quand Salem vit la résolution de Ganem, il lui dit encore : « Par cette raillerie, dont je m’offense, je connais assez que vous ne vous mettez pas en peine de mes avis, et que vous ne voulez pas vous désister de votre dessein, qui n’est appuyé sur aucun bon fondement. Je ne me sens pas l’esprit assez fort pour en soutenir l’exécution de mes yeux. De plus, je ne suis pas curieux de voir un spectacle pour lequel j’ai naturellement de la répugnance. Ainsi je vous laisse faire, et je m’éloigne d’un objet qui me ferait de la peine. » En achevant ces paroles, il prit sa besace, dit adieu à Ganem, et reprit son chemin.

Lorsque Ganem fut seul, il se remit à tout événement, et en s’approchant du canal : « Il faut, dit-il, que je me plonge en cette mer pour y périr, ou pour en rapporter la perle que j’espère. » Avec cette résolution, il se jette dans l’eau, qui était très profonde et très rapide ; mais il se posséda si bien dans cette action courageuse qu’il aborda heureusement à l’autre bord. Il reprit haleine, chargea le lion de marbre sur ses épaules, et monta jusqu’au haut de la montagne, d’un même pas, nonobstant les difficultés qu’il rencontra et la pesanteur du fardeau, qu’il posa à terre en arrivant.