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CONTES ORIENTAUX

inutilement, et de ne pas exposer sa vie, que nous devons chérir plus que toutes choses du monde. Écoutez encore le sentiment d’un sage qui dit : « En quelque endroit que vous deviez entrer, n’avancez jamais le pied qu’auparavant vous n’ayez bien affermi la place où vous voulez le poser, et que l’ouverture par où vous devez en sortir ne soit suffisamment large. »

De plus, peut-être que cette écriture n’est pas bien correcte, ou qu’on l’a mise là simplement pour se divertir et pour abuser de la simplicité des sots ; peut-être aussi que l’eau est insurmontable et qu’il n’est pas possible de gagner l’autre bord. Je veux que vous la passiez ; mais quand vous l’aurez passée, peut-être que vous trouverez le lion de pierre si pesant que vous ne pourrez pas seulement le lever de terre. Mais je veux que vous l’enleviez, êtes-vous sûr de l’emporter tout d’une course jusqu’au haut de la montagne ? À la fin de tout cela, vous ne savez à quoi aboutiront tant de difficultés. Pour moi, je vous déclare que je ne me suis pas joint à votre compagnie pour partager avec vous un péril de cette nature. Ce que je puis faire, c’est de vous coujurer, comme je le fais, d’abandonner un dessein si mal conçu. »

Cette insistance de Salem était forte, mais Ganem y résista. « Je ne puis, lui dit-il, écouter votre prière, et rien n’est capable de m’empêcher d’exécuter la résolution que j’ai prise. Ni démons, ni esprits, quels qu’ils puissent être, ne m’en détourneront par leurs suggestions. Je sais que vous ne vous êtes pas joint à moi en ce voyage pour me suivre en cela, et je vois que vous ne voulez pas avoir cette complaisance pour moi. Venez au moins, approchez-vous seulement pour