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CONTES ORIENTAUX

de l’ouvrier qui les avait gravés. L’inscription était conçue en ces termes : « Voyageur, qui honores ce lieu de ta présence, nous avons un logement magnifique pour te recevoir si tu veux être notre hôte, mais à condition que tu passeras ce canal à la nage, sans craindre sa profondeur ni la rapidité du courant de l’eau. Quand tu seras sur l’autre bord, tu chargeras sur tes épaules le lion de marbre posé au pied de la montagne, et sans hésiter, tu le porteras tout d’une course et tout d’une haleine, jusqu’au sommet, sans avoir égard ni aux lions rugissants que tu pourrais rencontrer, ni aux épines dont le chemin est jonché. Ces choses exécutées, tu seras heureux pour jamais. L’on n’arrive pas au gîte si l’on ne marche. Qui ne travaille point n’obtient pas ce qu’il souhaite. La lumière du soleil remplit tout l’univers ; les moins délicats et les plus déterminés en reçoivent et en souffrent les rayons les plus vifs et les plus ardents. »

Le lecture achevée, « Venez, dit Ganem à Salem, entrons en cette lice, et surmontons le péril qu’on nous propose. Faisons nos efforts, éprouvons si la promesse de ce talisman est véritable ; tentons, voyons ce qui nous en arrivera.

— Cher ami, répondit Salem, il y aurait peu de bon sens de s’exposer à un danger aussi évident, sur une simple écriture qui promet un bonheur fort incertain. Un homme raisonnable ne voudrait pas hasarder sa vie pour un bien aussi imaginaire que celui-là ; et jamais sage ne s’engagera à un danger présent et visible, pour un plaisir qui n’a point d’apparence. Croyez-moi, mille années de délices ne valent pas la peine que l’on expose sa vie un seul moment pour en jouir. »