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CONTES ORIENTAUX

en avait tant pleuré qu’il en avait perdu la vue. Voilà, grande reine, ajouta-t-il, voilà mon histoire. Je vous supplie donc très humblement de rendre la vue à mon frère. C’est pour vous faire cette prière que je suis venu et que je l’ai amené ici. »

Temim, car c’était lui qui parlait à Repsima sans la connaître, acheva de parler en cet endroit. Il attendait la réponse de la reine, qui fut si surprise de voir là son mari, qu’elle ne put lui répondre sur-le-champ ; mais s’étant remise de son trouble, elle lui dit : « Est-il vrai que cette femme qui a été enterrée toute vive t’ait trahi ? Qu’en penses-tu ? — Je ne puis le croire, repartit Temim, quand je rappelle toute sa vertu dans ma mémoire. Mais, hélas ! j’ai une confiance aveugle en mon frère, et cela me fait douter de son innocence. »

Quand le marchand de Basra eut parlé de cette manière, la reine lui dit : « C’est assez, je sais mieux que vous si votre femme a été justement condamnée. Je vous l’apprendrai demain, et nous verrons si votre frère peut recouvrer la vue. » Un homme de la compagnie de Temim prit alors la parole dans ces termes : « J’ai un esclave nègre que j’ai acheté et élevé depuis son enfance ; il y a quelques années qu’il est paralytique de la moitié du corps, aucun médecin ne l’a pu guérir, je l’amène ici pour le recommander aux prières de Votre Majesté. »

Après que la reine eut entendu ce discours, et connu que l’homme qui le lui avait adressé était le voleur arabe chez qui elle avait demeuré, et que le paralytique était le même esclave noir qui avait tenté sa vertu, elle dit : « Cela suffit, je suis bien instruite de votre affaire, elle pourra bien être décidée demain. Et vous, poursuivit-elle, en se