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LES MILLE ET UN JOURS

d’elle et lui dit : « Ô beauté ravissante, je suis enchanté de ce que je viens de faire. J’ai bien vu des esclaves, j’en ai acheté plus de mille en ma vie, mais je vous avoue que vous les surpassaz toutes. Vos yeux sont plus brillants que le soleil, et votre taille est incomparable. »

Si ce discours surprit fort Repsima, elle fut encore bien plus étonnée lorsque le capitaine lui tendit la main en disant : « Allons, ma princesse, je vais vous embarquer et vous mettre dans la chambre de poupe. Nous reprendrons le large dans un moment, nous ferons ensemble le voyage de Serendib, et à notre retour à Basra, vous serez maîtresse de mon bien et de ma maison ; car je ne prétends pas vous vendre. Si je vous ai achetée de ce jeune homme que vous n’aimez point, c’est pour vous rendre la plus heureuse personne du monde. J’aurai pour vous toute la tendresse et toute la complaisance imaginable. » À ces paroles, que Repsima écouta très impatiemment, elle interrompit le capitaine : « Que me dites-vous ? s’écria-t-elle. Je n’ai jamais été esclave, je suis libre, et personne n’est en droit de me vendre. » En parlant de cette manière, elle repoussa rudement la main du capitaine.

Il était naturellement brusque et violent, il fut choqué de la manière dont elle recevait les choses obligeantes qu’il croyait lui dire. Il changea tout à coup de langage, et le prenant sur un autre ton : « Comment donc, petite créature, lui dit-il, est-ce ainsi que tu dois parler à ton maître ? Je t’ai achetée de mon argent ; tu es mon esclave, je t’emmènerai de force ou de gré. » En achevant ces mots, il la prit entre ses bras, et, malgré sa résistance, il l’emporta comme un loup emporte une brebis qui s’est égarée