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CONTES ORIENTAUX

fait de tous les hommes, tu ne pourrais recueillir aucun fruit de la folle ardeur, et tu te flattes de l’espérance de me plaire ? Sors d’ici, téméraire ; je ne laisse qu’avec horreur tomber mes regards sur toi. Si jamais, poursuivit-elle, il t’arrivé de me parler d’amour, j’en avertirai ton maître, qui punira ton insolence. »

Elle dit ces paroles d’un ton si ferme qu’il jugea bien qu’une conquête si belle n’était pas réservée pour lui. Comme il n’était pas moins méchant que Revendé, il crut devoir se venger d’une femme qui méprisait ses feux ; mais il s’y prit d’une manière bien étrange. L’Arabe avait un fils au berceau, et ce fils faisait les délices de son père et de sa mère. Une nuit Calid alla couper la tête à cet enfant, et portant le poignard dont il s’était servi pour faire une action aussi barbare dans la chambre de Repsima, qu’il ouvrit subtilement et sans bruit, il le mit tout sanglant sous le lit de cette dame qui dormait. De plus, il affecta de répandre des gouttes de sang depuis le berceau de l’enfant jusqu’au lit de cette innocente, sur laquelle il voulait faire retomber le soupçon de l’assassinat, et il ensanglanta même sa robe.

Le lendemain matin, sitôt que l’Arabe et sa femme aperçurent leur enfant dans l’état où le nègre l’avait mis, ils firent des cris effroyables, se déchirèrent le visage et mirent de la cendre sur leurs têtes. Calid accourut à leurs cris et en demanda la cause, comme s’il l’eût ignorée. Ils lui montrèrent le berceau baigné de sang et leur fils sans vie. À ce spectacle, il feint une fureur extrême, il met ses habits en pièces, il fait des hurlements, il s’agite, il s’écrie : « Ô malheur sans pareil ! Ô trahison détestable ! Que ne puis-je savoir de quelle main ce coup est parti ? Si je tenais