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LES MILLE ET UN JOURS

sultan d’Égypte, il nous fit entrer dans une grande salle où le sultan était assis sur son trône.

Nous passâmes toutes l’une après l’autre devant ce prince, qui parut charmé de ma vue. Il descendit de son trône, et s’étant approché de moi : « Qu’elle est bien faite ! s’écria-t-il. Quels yeux ! quelle bouche ! Mon ami, continua-t-il en s’adressant au marchand, depuis que tu me vends des esclaves, tu ne m’en as jamais amené une de la beauté de celle-ci. Non, rien n’est comparable à cette jeune personne. Demande ce que tu voudras pour elle. Je ne puis assez te payer un objet si charmant. » Enfin ce prince, transporté de joie et déjà fort amoureux, fit donner une grosse somme au marchand et le renvoya avec ses autres esclaves. Il appela ensuite le chef des eunuques : « Keydkabir, lui dit-il, conduis ce soleil dans un appartement séparé. » Keydkabir obéit, et m’amena dans celui-ci qui est le plus riche du palais. Je n’y fus pas plutôt rendue, que plusieurs esclaves, jeunes et vieilles, y entrèrent. Les unes m’apportèrent des habits magnifiques ; les autres des rafraîchissements, et les autres avaient des luths dont elles jouaient assez bien. Elles me dirent toutes qu’elles m’étaient envoyées par le sultan ; que ce prince les destinait à me servir, et qu’elles n’épargneraient rien pour s’en bien acquitter.

Je reçus bientôt une visite du sultan. Il me déclara son amour dans les termes les plus vifs ; et les réponses naïves que je faisais à des discours si nouveaux pour moi, au lieu de déplaire à ce prince, irritaient sa passion. Enfin me voilà devenue sultane favorite. Toutes les esclaves qui se croyaient assez belles pour mériter ma place, en furent très jalouses ; et vous ne sauriez imaginer tous les moyens qu’elles mettent en