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LES MILLE ET UN JOURS

Repsima, et de la mettre en prison jusqu’au lendemain. Le lieutenant s’acquitta de sa commission et le jour suivant l’accusée fut condamnée à être enterrée toute vive sur le grand chemin. Cet arrêt rigoureux fut exécuté. On conduisit la victime à une lieue hors de la ville avec un grand concours de monde, et on l’enterra jusqu’à la poitrine dans un fossé où on la laissa.

Comme le peuple s’en retournait à la ville, il parlait fort diversement de la femme de Temim. « C’est une calomnie, disaient les uns ; cette affaire a été jugée bien brusquement ; cette femme paraissait si sage et si vertueuse. — Il ne faut pas se fier, disaient les autres, à l’extérieur des femmes, celle-ci a été justement condamnée. » Enfin chacun raisonnait suivant son caractère.

Repsima était donc sur le grand chemin, dans l’état que je viens de dire, lorsqu’au milieu de la nuit il passa près d’elle un voleur arabe monté sur un cheval. Elle l’appela : « Passant, lui dit-elle, qui que vous soyez, je vous conjure de me sauver la vie, j’ai été enterrée toute vive injustement. Au nom de Dieu, ayez pitié de moi, et me délivrez de la mort cruelle qui m’attend ; cette bonne œuvre ne demeurera pas sans récompense. » L’Arabe, tout voleur qu’il était, fut touché de compassion. « Il faut, dit-il en lui-même, que je sauve cette malheureuse créature. J’ai la conscience chargée de milles crimes ; cette action charitable disposera peut-être le Très-Haut à me les pardonner. »

En faisant cette réflexion, il mit pied à terre, s’approcha de Repsima, et après l’avoir tirée de la fosse, il remonta sur son cheval et fit monter la dame derrière lui. « Seigneur, dit-elle, où m’allez-vous mener ?