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LES MILLE ET UN JOURS

et dans la pratique des vertus musulmanes. Ils jeûnaient tous deux, non seulement les jours de précepte, mais souvent encore pour se mortifier. Enfin tout leur temps était employé à la prière et à la lecture de l’Alcoran. Ils vivaient contents de leur sort, et rien ne leur manquait, parce qu’ils ne désiraient rien.

Quelque soin que prît Repsima (c’est ainsi que s’appelait la fille de Dukin) de se soustraire aux hommes et de vivre dans un grand abandonnement des choses du monde, elle ne laissa pas d’être bientôt troublée dans sa solitude. Le brait de sa vertu y attira plusieurs hommes qui la demandèrent en mariage à son père, et elle aurait eu un plus grand nombre d’amants si l’on eût su que sa beauté égalait sa vertu. Dukin, quand il considérait la médiocrité de sa fortune, souhaitait que sa fille épousât quelque riche marchand ; mais elle témoignait tant d’aversion pour le mariage, qu’il n’osait l’engager dans cet état, de peur de faire trop de violence à ses sentiments. « Non, mon père, lui disait-elle toutes les fois qu’il se présentait quelque parti, je ne veux point vous quitter. Souffrez que je partage avec vous la vie tranquille que vous menez. »

Ils vécurent tous deux ensemble pendant quelques années de la manière que je l’ai dit. Après quoi Dukin fut enlevé par l’ange de la mort. Repsima se voyant privée de l’appui de son père, leva les mains au ciel et lui adressa ces paroles : « Unique espérance des désespérés, seule ressource des orphelins, ciel, qui n’abandonnes point les malheureux qui implorent ton secours avec confiance, toi qui écoutes la voix des innocents qui gémissent, ne rejette pas ma prière ! Tu es tout puissant, tu peux me conserver ; écarte de moi tous les périls qui menacent mon innocence. »