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LES MILLE ET UN JOURS

été fort surpris de la réception qu’on vous a faite. Vous aviez lieu, je l’avoue, d’en attendre de moi une plus agréable ; mais ne m’en sachez pas mauvais gré, je vous en conjure. Vous savez que les malheurs sont contagieux. J’avais appris votre disgrâce par un marchand de Bagdad à qui j’avais demandé de vos nouvelles. Je n’ai osé vous accorder un asile dans mon palais, ni même vous voir, de peur que votre infortune se répandît sur moi, et ne me mit hors d’état de vous faire du bien, lorsque vous cesseriez d’être malheureux. Présentement, poursuivit-il, que le malheur semble vous avoir abandonné, rien ne m’empêche plus de suivre les mouvements de mon amitié. Vous demeurerez désormais dans ma cour, et je ferai tous mes efforts pour vous faire oublier les maux que vous avez soufferts. »

Effectivement, Nasiraddolé fit donner au Bagdadin un appartement dans son palais, et nomma des officiers pour le servir. Ils passèrent le premier jour à table tous deux, et quand la nuit fut venue, le roi dit au jeune marchand : « Je veux m’acquitter envers vous du sacrifice que vous m’avez fait de la jeune esclave que vous aimez. Je prétends vous rendre la pareille ; je vais vous céder celle de mes femmes qui m’est la plus chère ; je prétends vous l’envoyer cette nuit, à condition que vous l’épouserez. — Seigneur, répondit Abderrahmane, je remercie Votre Majesté des bontés qu’elle veut faire pour moi, mais souffrez que je refuse la grâce qu’elle veut me faire. Je ne puis aimer aucune dame après Zeineb, et je vous conjure de ne me pas contraindre. — Quelque occupé que vous soyez de Zeineb, reprit le roi, je doute fort que vous puissiez voir la personne que je vous destine sans vous sentir de l’amour pour elle ; tout ce que je