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LES MILLE ET UN JOURS

effet, lui faire une réception fort singulière, et il n’avait pas lieu de s’y attendre. « Quoi donc, s’écriat-il, est-ce de cette sorte que le roi de Moussel doit recevoir un homme qu’il n’a pas dédaigné de regarder comme son ami ? Ai-je fait quelque chose qui lui ait déplu ? Hélas ! je me flattais qu’il aurait toujours pour moi les mêmes sentiments, et cette espérance me consolait de tous mes malheurs.

— Ne vous affligez point, lui dit le trésorier. Le roi vous aime encore, et s’il ne vous reçoit pas mieux, il faut qu’il ait ses raisons. Faites ce qu’il vous prescrit, vous n’aurez peut-être pas sujet de vous en repentir. » Le Bagdadin sortit du palais et retourna au caravansérail, ne sachant ce qu’il devait penser de Nasiraddolé. « Que veut-il que je fasse, disait-il, de deux cents sequins ? Je ne pourrai pas faire un grand négoce avec une somme si modique. Encore, s’il m’eût donné mille sequins d’or, j’aurais pu m’associer avec un gros marchand, et commencer une nouvelle fortune. »

Il ne laissa pas de prendre toutes les mesures possibles pour faire profiter son argeat ; mais il ne suffit pas aux marchands de s’appliquer à leurs affaires pour réussir, il faut qu’ils aient du bonheur. Si la fortune ne seconde pas leurs soins, ils en prennent d’inutiles pour s’enrichir. Ce fut en vain qu’Abderrahmane se donna beaucoup de mouvement, il ne retira pas du commerce ce qu’il y avait mis, si bien qu’au bout de six mois, il n’avait que cent cinquante sequins de reste. Il parut à la cour. Le trésorier vint à lui de la part du roi, et lui demanda s’il avait encore ses deux cents sequins. « Non, répondit le jeune marchand, il m’en manque un quart. — Puisque cela est ainsi, répliqua le trésorier, en lui comptant