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CONTES ORIENTAUX

vous sont ouvertes, fuyez et dérobez-vous au supplice qui vous attend. »

XCVIII

À ce discours, Abderrahmane, transporté de joie, embrassa le concierge et le remercia de sa générosité ; puis tout à coup, faisant réflexion au péril où cet homme se mettait en le délivrant, il lui dit : « Vous ne songez pas qu’en me sauvant la vie, vous exposez la vôtre. Je ne veux point abuser de vos sentiments généreux ; il n’est pas juste que je vous laisse périr pour moi. — Ne vous mettez point en peine de ce que je deviendrai, répondit le concierge. Apprenez-moi seulement si vous êtes coupable ou innocent ; avez-vous, en effet, parlé du calife dans des termes peu respectueux ? Ne me déguisez rien : il m’importe de savoir la vérité, je prendrai mes mesures là-dessus. — J’atteste le ciel, répliqua le jeune marchand, que je n’ai jamais parlé du commandeur des croyants qu’avec tout le respect que je lui dois. — Cela étant, reprit le concierge, je sais bien ce que je ferai. Si vous étiez coupable, je prendrais la fuite comme vous ; mais puisque vous ne l’êtes pas, je demeurerai ici et je n’épargnerai rien pour faire connaître votre innocence. »

Abderrahmane fit de nouveaux remerciements au concierge et sortit de prison. Il se réfugia chez un de ses amis, qui le cacha dans un endroit de sa maison où il le crut en sûreté. Le jour suivant, le grand-vizir