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LES MILLE ET UN JOURS

Zeineb autant qu’on peut aimer… Mais, hélas ! ou m’emporte ma douleur ? Que me sert-il de me condamner moi-même ? Je ferais encore ce que j’ai fait, quelle que soit ma peine en ce moment, le prince au bonheur duquel j’immole ma tendresse me tient compte d’un si grand sacrifice, et il est plus digne que moi de posséder Zeineb. »

C’est dans cette situation que se trouvait Abderrahmane ; il était au désespoir d’avoir perdu son esclave, sans se repentir de l’avoir cédée au roi de Moussel. Il y avait déjà trois mois qu’il menait une vie assez triste, quand tout à coup on vint chez lui l’arrêter de la part du grand-vizir. On lui dit qu’on l’accusait d’avoir, dans une débauche, tenu des discours peu respectueux du commandeur des croyants. Il eut beau protester qu’il ne lui était jamais échappé la moindre parole qui pût offenser le calife, on le conduisit en prison. Deux seigneurs de la cour qui étaient ses ennemis secrets, avaient inventé cette calomnie pour le perdre, et sur leur faux témoignage le grand-vizir le faisait arrêter. Il fut même ordonné que dès ce jour-là tous ses biens seraient confisqués, sa maison rasée, et que lui, le lendemain, aurait la tête coupée sur un échafaud, qui pour cet effet serait dressé devant le palais du calife.

Le concierge de la prison où il était alla pendant la nuit lui annoncer son arrêt. « Seigneur Abderrahmane, lui dit-il ensuite, je prends beaucoup de part à votre malheur ; j’en suis d’autant plus touché que je vous ai plus d’obligation. Vous m’avez rendu service dans deux conjonctures où j’ai eu besoin de votre secours. Voici une occasion de vous témoigner ma reconnaissance. J’ai résolu de vous mettre en liberté pour m’acquitter envers vous : sortez de prison, les portes