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LES MILLE ET UN JOURS

sa capitale plusieurs jours avant Zeineb, qui n’y fut pas plus tôt rendue, qu’un de ses conducteurs courut au palais pour avertir le roi qu’Abderrahmane leur maître lui envoyait cette esclave.

On ne peut exprimer quelles furent la surprise et la joie de ce monarque, lorsqu’il apprit cette nouvelle. « Ô généreux ami, s’écria-t-il, quand je ne serais pas déjà persuadé que tu es le plus parfait ami du monde, je n’en pourrais présentement douter, puisque tu préfères mon bonheur au tien. »

Il l’envoya recevoir par le chef de ses eunuques, et lui fit donner un appartement séparé, le plus commode et le plus magnifique du palais ; elle n’y fut pas longtemps sans voir paraître ce prince ; il s’approcha d’elle, et remarquant sur son visage une impression de tristesse : « Belle Zeineb, lui dit-il, il n’est pas difficile de juger que votre cœur n’avoue pas le sacrifice que le généreux Abderrahmane me fait de vous : je vois bien que vous venez à Moussel plutôt comme une victime qu’on conduit à la mort que comme une orgueilleuse beauté qui doit voir un souverain à ses genoux ; vous êtes plus sensible à la perte d’un homme que vous aimez qu’à la conquête d’un roi qui vous adore ! — Seigneur, répondit Zeineb, je devrais conformer mes sentiments au nouveau sort qui m’appelle ici ; je devrais m’applaudir de pouvoir faire le bonheur d’un prince tel que vous. Je dirai plus, je voudrais, prompte à me détacher, oublier l’ingrat qui m’abandonne, et vous donner sa place dans mon cœur. Que ne puis-je, pour me venger de sa trahison, sentir dès ce moment pour vous tout l’amour que sa perfide ardeur a su m’inspirer pour lui. Mais hélas, pour mon malheur, je suis trop occupée du traître ! Tant que je vivrai, il sera toujours présent à ma pensée, et troublera sans