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CONTES ORIENTAUX

mélancolie où je vous vois plongé ? — Abderrahmane, lui répondit le roi, je pars dès ce jour pour Moussel ; j’emporte une douleur que le temps ne fera peut-être qu’augmenter ; laissez moi partir sans m’en demander le sujet. — Non, seigneur, répondit le Bagdadin, il faut que vous me le disiez, ne me le cachez point, je vous en conjure ; n’ai-je point eu l’imprudence de manquer au respect que je vous dois ? J’ai abusé des bontés qu’un grand prince a pour moi ; je vous ai sans doute offensé ? — À Dieu ne plaise, repartit Nasiraddolé, que je me plaigne de vous ! Je ne me plains que de ma mauvaise destinée. Encore une fois, poursuivit-il, ne vous informez point de ce qui peut m’affliger. »

Plus le roi de Moussel s’obstinait à cacher la cause de son affliction, et plus le Bagdadin le pressait de la lui découvrir. Cependant ce prince se disposait à partir, et il avait dessein de garder son secret ; mais enfin son hôte l’obligea par ses instances à le lui révéler. « Eh bien ! Abderrahmane, lui dit en partant Nasiraddolé, vous voulez que je parle, je vais vous satisfaire : j’aime, ou plutôt j’adore Zeineb ; je n’ai pu la voir sans prendre dans ses beaux yeux le funeste amour qui trouble mon repos ; je souhaitais de partir sans vous faire ce triste aveu, vous me l’arrachez ; que votre amitié ne me le reproche point. Hélas ! je ne l’expierai que trop par tous les maux que je vais souffrir : adieu ! » À ces mots il sortit de chez le Bagdadin et prit la route de Moussel.

Le discours de Nasiraddolé surprit étrangement Abderrahmane, qui fut longtemps après le départ de ce prince à revenir du désordre où étaient ses sens. « Ah ! malheureux que je suis, s’écriat-il, devais-je faire voir Zeineb au roi de Moussel ? ne devais-je pas prévoir