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LES MILLE ET UN JOURS

XCV

Le jeune marchand de Bagdad, pour obéir et plaire au roi de Moussel, prit avec lui un air familier ; ils commencèrent à vivre ensemble comme s’ils eussent été de la même condition ; ils faisaient tous les jours des parties de plaisir, et Nasiraddolé, oubliant ce qu’il était, passait le temps ainsi qu’un particulier.

Un soir, pendant qu’ils étaient à table, tête à tête, et qu’ils buvaient des meilleurs vins, leur conversation roula sur la beauté des femmes : le roi de Moussel vanta les charmes de quelques esclaves de son sérail, et dit qu’il n’y en avait pas au monde qui leur fussent comparables. Le Bagdadin n’écouta pas tranquillement ce discours ; l’amour qu’il avait pour Zeineb et le vin qu’il avait bu ne lui permirent pas de convenir de ce qu’il venait d’entendre. « Seigneur, dit-il à son hôte, je ne doute point que vous n’ayez de très belles femmes, mais je ne crois point qu’elles surpassent les miennes en beauté, j’ai plusieurs esclaves qu’on ne peut regarder sans admiration, et entre autres une Circassienne que la nature semble avoir pris plaisir à former. — C’est-à-dire, reprit le roi, que vous aimez cette Circassienne : l’éloge que vous en faites me prouve que vous en êtes fort épris, sans me persuader qu’elle soit aussi charmante que mes esclaves. — Il est bien aisé de vous en convaincre, repartit Abderrahmane. » En disant cela, il fit venir un eunuque et lui dit à l’oreille : « Allez dire à mes esclaves qu’elles se parent