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CONTES ORIENTAUX

des plus parfaites créatures que l’on pût voir ; elle se nommait Zeineb : il l’acheta six mille sequins d’or ; mais quand il en aurait donné dix mille, il ne l’aurait pas encore assez payée. Son extrême beauté ne faisait pas tout son mérite ; on admirait en elle un esprit cultivé, une humeur douce et toujours égale, avec un cœur tendre, sincère et fidèle. Une personne si aimable ne tarda guère à charmer Abderrahmane ; il conçut pour elle un amour violent, et il eut le bonheur de trouver Zeineb disposée à l’aimer autant qu’il l’aimait.

Tandis qu’ils goûtaient en repos les douceurs de leur ardeur mutuelle et qu’ils en faisaient toute leur occupation, le roi de Moussel arriva sans suite à Bagdad, et vint descendre chez le jeune marchand. « Abderrahmane, lui dit-il, il m’a pris envie de voir encore incognito cette ville et la cour du calife, ou plutôt j’ai souhaité de vous revoir vous-même ; je viens loger chez vous ; je me flatte que je vous fais autant de plaisir que j’en ressentais de vous avoir dans mon palais. » Le Bagdadin, enchanté de l’honneur qu’il recevait, voulut se jeter aux pieds de Nasiraddolé pour lui témoigner combien il y était sensible ; mais ce prince le releva et lui dit : « Laissez-là le respect que vous devez au roi de Moussel : ne voyez en moi qu’un ami qui veut se réjouir avec vous ; vivons sans contrainte ; rien n’est si doux qu’une vie libre ; pour en goûter les charmes je me dérobe de temps en temps à ma cour ; je me plais à voyager sans suite, à me confondre avec les particuliers, et, je vous l’avouerai, les jours que je passe de cette sorte sont les plus heureux de ma vie. »