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LES MILLE ET UN JOURS

mais pour vos sentiments, j’en vois la sincérité ; j’en connais tout le prix : vous m’avez donné votre amitié sans me connaître ; je puis me vanter d’avoir un ami. »

Le jeune marchand de Bagdad répondit aux bontés du roi dans des termes pleins de tendresse et de reconnaissance ; après quoi ce prince lui dit : « Pendant que vous demeurerez à Moussel, vous logerez dans mon palais ; vous serez servi par mes propres officiers, et j’aurai soin de vous faire passer le temps le plus agréablement qu’il me sera possible. » Il n’y manqua pas, et il n’oublia rien de tout ce qu’il crut capable de le divertir. Tantôt il lui faisait prendre le divertissement de la chasse, tantôt il lui donnait des concerts de voix et d’instruments qui étaient exécutés à ravir, et presque tous les jours ils faisaient la débauche.

Il y avait déjà près d’une année que le Bagdadin vivait de cette manière, lorsqu’on lui manda de Bagdad que sa présence y était absolument nécessaire s’il voulait empêcher ses affaires de se déranger. Il parla au roi de l’avis qu’on lui donnait, et le pria de trouver bon qu’il s’en retournât à Bagdad. Nasiraddolé y consentit, quoique à regret, et enfin Abderrahmane s’arracha aux délices de la cour de Moussel. Aussitôt qu’il fut de retour chez lui il s’appliqua fort sérieusement à réparer le tort que son absence avait fait à ses affaires ; et quand il les eut bien rétablies, il se remit à régaler ses amis, à rendre service à tout le monde, et à faire encore plus de dépense qu’auparavant ; il acheta de nouvelles esclaves, et se fit un plaisir d’en avoir de toutes les nations du monde.

Un marchand lui en vendit une un jour ; elle était née en Circassie, et l’on pouvait dire que c’était une