Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
336
LES MILLE ET UN JOURS

celles de l’âme ; il était beau et fort bien fait : en un mot, il passait pour un jeune homme accompli.

Un jour il entra chez un marchand de fiquaa[1] : il y aperçut un jeune étranger de bonne mine qui était tout seul à une table ; il alla se mettre auprès de lui, et ils commencèrent tous deux à s’entretenir de diverses choses. Si l’étranger plut beaucoup au Bagdadin, le Bagdadin ne plut pas moins à l’étranger ; ils furent si satisfaits l’un de l’autre qu’ils revinrent le lendemain se chercher au même endroit ; ils s’y rencontrèrent, et eurent ensemble une seconde conversation : il se trouva entre eux tant de sympathie que, dès ce jour-là même, ils se sentirent étroitement liés. Par malheur pour Abderrahmane, l’étranger fut obligé de partir dès le jour suivant, pour s’en retourner à Moussel, où il disait avoir pris naissance. « Du moins, seigneur, lui dit le Bagdadin, avant que vous partiez apprenez-moi qui vous êtes ; je dois bientôt faire un voyage à Moussel, à qui faudra-t-il que je m’adresse pour avoir de vos nouvelles ? — Vous n’aurez, lui répondit l’étranger, qu’à venir au palais du roi de Moussel, et vous m’y verrez : si vous y paraissez, je me ferai un plaisir de vous bien recevoir ; vous saurez qui je suis, et là nous cimenterons l’amitié que nous avons formée en ce pays-ci. »

XCIV

Abderrahmane fut affligé du départ de l’étranger, et il ne s’en consola que par l’espérance de le revoir

  1. Sorte de bière.