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CONTES ORIENTAUX

Le vieux marchand fut enchanté de ce discours ; il embrassa sa femme avec transport. « Phénix du siècle, s’écria-t-il, que vous méritez de louanges ! Vous êtes digne de régner sur le cœur auquel vous me préférez. Il n’est pas juste qu’une épouse si charmante soit le partage d’un homme tel que moi. Je suis déjà dans un âge fort avancé, et vous n’êtes encore qu’au commencement de vos beaux jours. Je ne suis qu’un infortuné, et vous pouvez, en m’abandonnant, vous faire la plus heureuse destinée. C’est demeurer trop longtemps liée à un homme qui n’a rien qui vous parle en sa faveur que votre vertu. Ne vous refusez point au rang où l’amour vous appelle, et sans envisager quelle sera ma douleur quand je vous aurai perdue, consentez que je vous répudie pour rendre votre sort plus agréable. »

Plus Banou témoignait vouloir me céder Arouya, plus elle résistait. Enfin, après un long combat où l’amour conjugal demeura le plus fort, le marchand dit à sa femme : « Ô ma chère épouse, contentez-vous donc de régner sur mon cœur, puisque vous bornez là tous vos désirs ; mais que dirai-je au roi ? Il attend ma réponse, et il se flatte sans doute qu’elle sera telle qu’il la souhaite. Si je vais lui annoncer vos refus, n’avons-nous point à craindre de son ressentiment ? Songez que c’est un souverain. Vous savez qu’il peut tout. Peut-être emploiera-t-il la violence pour vous obtenir ; je ne pourrai vous défendre contre un rival si puissant.

— Je vois bien, répondit Arouya, le malheur qui nous menace ; mais il n’est pas possible de l’éviter. Au lieu d’aller trouver le roi, et de l’irriter en lui apprenant que je renonce à l’honneur qu’il me veut faire, prenez tout l’argent qui vous reste. Emportons