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CONTES ORIENTAUX

remercia de la justice que je lui avais rendue et se retira chez elle. Mais, hélas ! si elle cessa d’être devant mes yeux, elle ne cessa point de s’offrir à ma pensée. Je fus sans cesse occupé de son image ; je ne pus m’en distraire un seul moment. Et enfin, m’apercevant qu’elle troublait mon repos, j’envoyai secrètement chercher son époux. Je le fis entrer dans mon cabinet, et je lui parlai de cette sorte : « Écoutez, Banou, je sais la situation où vous a réduit votre cœur généreux, et je ne doute point que le chagrin de ne pouvoir plus vivre comme vous avez toujours vécu jusqu’ici ne vous soit plus sensible que votre misère même ; j’ai résolu de vous mettre en état de régaler vos amis, vous pourrez même faire plus de dépense que vous n’en avez jamais fait, sans craindre de tomber dans la pauvreté. En un mot, je veux vous accabler de biens pourvu que de votre côté vous soyez disposé à me faire un plaisir que j’exige de vous. Je suis épris d’une passion violente pour votre femme : répudiez-la, et me l’envoyez. Faites moi ce sacrifice, je vous en conjure, et par reconnaissance, outre toutes les richesses que je veux vous donner, je consens que vous choisissiez la plus belle esclave de mon sérail ; je vais vous mener moi-même dans l’appartement de mes femmes, et vous prendrez celle qui vous plaira davantage. »

XCII

« Grand roi, me répondit Banou, les biens que vous me promettez, quelque considérables qu’ils puissent être, ne sauraient me tenter s’il faut les