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CONTES ORIENTAUX

XCI

J’avais de la peine à croire ce qu’Arouya me racontait, ou plutôt je la soupçonnais d’inventer cette fable pour rendre auprès de moi un mauvais office à Danischemende, au cadi et au gouverneur. « Non, non, lui dis-je, je ne puis ajouter foi au discours que vous me tenez. Je ne saurais me persuader qu’un docteur soit capable de nier qu’il ait reçu une somme qu’on lui a prêtée, ni qu’un homme que j’ai choisi pour rendre justice au peuple vous ait fait une insolente proposition. — Ô roi du monde, me dit la femme de Banou, si vous refusez de me croire sur ma parole du moins j’espère que vous en croirez les témoins irréprochables que j’ai de tout ce que je dis. — Où sont-ils ces témoins ? repris-je avec étonnement. — Sire, repartit-elle, ils sont chez moi ; envoyez-les, s’il vous plaît, chercher tout à l’heure, leur témoignage ne sera point suspect à Votre Majesté. »

J’envoyai sur-le-champ des gardes à la maison de Banou, qui leur livra les trois coffres où étaient les amants. Les gardes les ayant apportés en ma présence. Arouya me dit : « Mes témoins sont là dedans. » En achevant ces paroles, elle tira de dessous sa robe trois clés et ouvrit les coffres. Jugez quelle fut ma surprise, de même que celle de toute ma cour, lorsque nous aperçûmes le docteur, le gouverneur et le cadi, tous trois presque nus ; pâles, défaits et très mortifiés du dénouement de l’aventure. Je ne pus m’empêcher de rire de les voir dans cette situation qui ne manqua pas d’exciter aussi les ris de tous les spectateurs.