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LES MILLE ET UN JOURS

de mon trône. » Le vizir lui dit de s’avancer. Elle fendit la presse et vint se prosterner devant moi. « Quel sujet vous amène ici, lui dis-je ? Levez-vous et parlez. — Ô puissant monarque du monde, répondit-elle après s’être relevée, puissent les jours de Votre Majesté être éternels, ou du moins ne finir qu’avec les siècles ! Si vous voulez avoir la bonté de m’entendre, je vais vous conter une histoire qui vous suprendra. — Je le veux bien, lui dis-je, je suis disposé à vous écouter.

— Je suis femme, reprit-elle, d’un marchand, nommé Banou, qui a l’honneur d’être votre sujet et de demeurer dans votre ville capitale. Il prêta, il y a quelques années, mille sequins au docteur Danischemend, qui soutient qu’il ne les a pas reçus. J’ai été chez cet alfakih les lui demander ; il m’a répondu qu’il ne devait rien à mon mari, mais qu’il me donnerait deux mille sequins si je voulais satisfaire les désirs qu’il m’a témoignés. J’ai été me plaindre au cadi de la mauvaise foi du docteur. Le juge m’a déclaré qu’il ne me rendrait pas justice, à moins que je n’eusse pour lui la complaisance que Danischemend a exigée de moi. Confuse, indignée du mauvais caractère du cadi, je l’ai quitté brusquement, et me suis adressée au gouverneur de Damas, parce que mon mari est connu de lui. J’ai imploré son secours ; mais je ne l’ai pas trouvé plus généreux que le cadi, et il n’a rien épargné pour me séduire. »