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CONTES ORIENTAUX

ai-je attendu cet heureux moment ! Il m’est donc permis de concevoir les plus charmantes espérances ! Non, il n’est point de bonheur qui soit comparable au mien. » La jeune marchande relevant le cadi, le pria de s’asseoir sur le sopha, et lui dit : « Seigneur, je suis bien aise que vous ayez un peu de goût pour moi, puisque vous êtes l’homme du monde pour qui j’en ai le plus, ou, pour mieux dire, la première personne qui se soit attiré mon attention. Cette vieille esclave vous le dira. Depuis le dernier entretien que j’ai eu avec vous, je ne fais que languir. Je lui parle de vous sans cesse, et ma passion ne me laisse pas un moment de repos. »

LXXXIX

Quand le cadi entendit parler Arouya dans ces termes, peu s’en fallut qu’il ne perdît l’esprit : « Haut cyprès, lui dit-il, vivante image des houris, vous m’enchantez par de si douces paroles : achevez, de grâce, de mettre le comble à mes vœux. Mais, ma princesse, hâtez-vous de me satisfaire, je vous en conjure, car vous m’avez mis hors de moi-même, et je ne me possède plus. — Je suis ravie, reprit la dame, de vous voir si amoureux ; cela flatte agréablement ma tendresse, et votre impatience me fait trop de plaisir pour différer plus longtemps à la contenter. Je vous avais préparé des rafraîchissements, et je voulais boire des liqueurs avec vous, mais puisque vous êtes si passionné, il faut que je cède à vos instances.