Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
LES MILLE ET UN JOURS

La promesse qu’Arouya faisait au docteur de le venir tirer de la prison, et l’espérance qu’elle lui donnait de le bien dédommager des mauvais moments qu’il allait passer dans le coffre, l’empêchèrent de s’affliger d’une aventure qui devait avoir des suites encore plus désagréables pour lui. Au lieu de soupçonner la sincérité de la dame, et de s’imaginer que l’état où il se voyait pouvait être un piège qu’on lui avait tendu, il aima mieux se persuader qu’on l’aimait, et se livrer aux plus douces illusions dont se repaissent ordinairement les amants qui se flattent en vain d’obtenir l’accomplissement de leurs désirs.

La jeune marchande le laissa dans son cabinet, et revint dans sa chambre, en disant tout bas à son esclave : « En voilà déjà un qui a donné dans mes filets. Nous verrons si les autres m’échapperont. — C’est ce que nous saurons bientôt, répondit Dalla, car il est près de onze heures, et je ne crois pas que le cadi manque de se trouver au rendez-vous. » La vieille esclave avait raison de penser que ce juge ne serait pas moins exact que le docteur. En effet, on entendit frapper à la porte de Banou avant l’heure marquée. Dalla courut ouvrir, et voyant que c’était un homme, elle lui demanda son nom. « Je suis, dit-il, le cadi. — Parlez bas, lui répondit l’esclave ; vous pourriez réveiller le seigneur Banou. Ma maîtresse qui a un grand faible pour vous, m’a ordonné de vous introduire dans son appartement ; prenez, s’il vous plaît, la peine de me suivre, je vais vous y mener. » Le juge sentit redoubler sa flamme à ces paroles. Il suivit Dalla, qui le conduisit à l’appartement de la jeune marchande.

« Ô ma reine ! s’écria-t-il en abordant la belle Arouya, je vous vois enfin ! Avec quelle impatience