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CONTES ORIENTAUX

même temps ils se mirent à manger des confitures et à boire des liqueurs.

Sur la fin de ce repas, que la dame avait soin d’égayer par des discours qui charmaient l’alfakih, on entendit du bruit dans la maison. Arouya en parut alarmée, comme si elle n’eût pas su ce que c’était. « Dalla, dit-elle à la vieille esclave d’un air inquiet, va voir ce qui peut causer le bruit que nous entendons. » Dalla sortit de la chambre, et y revint un moment après, en disant à sa maîtresse avec beaucoup de trouble et d’altération : « Ah ! madame, nous sommes perdus ! Votre frère vient d’arriver du Caire. Il est en ce moment avec votre mari, qui va vous l’amener ici tout à l’heure. — Ô fatale arrivée ! s’écria la femme de Banou en affectant un grand chagrin. Le fâcheux contretemps ! Ce n’est pas assez qu’on vienne troubler mes plaisirs, il faut encore qu’on me surprenne avec mon amant, et que je passe pour une femme infidèle dès le premier pas que je fais contre mon devoir ! Que vais-je devenir ? Comment puis-je prévenir la honte que je crains ? — Vous voilà bien embarrassée, dit la vieille esclave. Que le seigneur Danischemend s’enferme dans un des trois coffres que votre mari a fait faire pour y mettre des marchandises qu’il veut envoyer à Bagdad. Ils sont dans votre cabinet, et nous en avons les clés. »

Le conseil de Dalla fut approuvé. Le docteur passa dans le cabinet et se mit dans un des trois coffres, qu’Arouya elle-même ferma à double tour, en disant à Danischemend : « Ô mon cher alfakih ! ne vous impatientez pas. Aussitôt que mon frère et mon mari seront retirés, je viendrai vous rejoindre, et nous passerons ensemble le reste de la nuit, d’autant plus agréablement que nos plaisirs auront été interrompus. »