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CONTES ORIENTAUX

jeune marchande eut l’adresse de l’amorcer comme les autres. Il crut de bonne foi tout ce qu’elle lui dit ; et le résultat de leur entretien fut qu’elle lui donna rendez-vous à minuit chez elle, et qu’il jura de s’y trouver seul pour faire les choses avec la discrétion qu’elle souhaitait.

« Grand prophète, dit Arouya, lorsqu’elle fut hors du palais du gouverneur : ô protecteur des fidèles musulmans ! Mahomet, vous qui du ciel où vous êtes avez les yeux ouverts sur les démarches que je fais, vous voyez le fond de mon âme : achevez de faire réussir mon dessein, et ne m’abandonnez pas dans les périls de l’exécution ! »

Après cette apostrophe, qu’elle crut devoir faire pour parvenir plus sûrement au but qu’elle se proposait, elle se sentit remplie de confiance, et suivant tous ses mouvements comme autant d’avis secrets du prophète, elle alla acheter toutes sortes de fruits et de confitures qu’elle fit porter à sa maison. Elle avait une vieille esclave dont elle connaissait la fidélité ; elle l’instruisit de son projet et lui donna ses ordres. Elles commencèrent ensuite à préparer un appartement : elles arrangèrent les meubles, et dressèrent une table sur laquelle on mit plusieurs bassins de porcelaine remplis de fruits et de confitures sèches. Quand la jeune marchande aurait eu dessein de rendre heureux ses amants, elle n’aurait pas fait de plus grands préparatifs pour les recevoir.

Elle attendait leur arrivée avec une extrême impatience ; elle craignait même quelquefois qu’ils ne vinssent pas ; mais sa crainte était fort mal fondée. Les espérances qu’ils avaient conçues étaient trop agréables pour qu’ils pussent les abandonner. Le docteur Danischemend, entre autres, se tenait alerte, et,