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LES MILLE ET UN JOURS

retirer votre argent, et j’en imagine un que Mahomet lui-même m’inspire. Ne me demandez pas, ajouta-t-elle, quel est ce moyen ; je ne juge point à propos de vous en instruire. Contentez-vous de l’assurance que je vous donne qu’il fera beaucoup de bruit, et que nous serons pleinement vengés de l’alfakih, du cadi et du gouverneur. — Fais tout ce qu’il te plaira, lui dit Banou, je m’abandonne à ton industrie. »

La jeune marchande sortit aussitôt de sa maison, et après avoir traversé deux ou trois rues, elle entra dans la boutique d’un bahutier. Le maître la salua et lui dit : « Belle dame, que souhaitez-vous ? — Ô maître, répondit-elle, j’ai besoin de trois coffres, je vous prie de me les donner bien conditionnés. » Le bahutier lui en montra plusieurs de différentes grandeurs. Elle en choisit trois qui pouvaient sans peine contenir chacun un homme. Elle les paya et les fit sur-le-champ porter chez elle ; puis elle s’habilla de ses plus riches habits, se para de toutes les pierreries que sa mauvaise fortune ne l’avait pas encore réduite à vendre pour subsister, et elle n’oublia pas les parfums.

Dans un état si propre à charmer, elle alla trouver l’alfakih, et, employant tous les airs libres et gracieux qu’une fausse effronterie lui permettait de prendre, elle ôta son voile sans attendre que le docteur la priât de se découvrir ; puis, le regardant avec des yeux capables de donner de l’amour aux hommes les plus insensibles : « Seigneur alfakih, lui dit-elle, je viens vous prier encore de rendre les mille sequins que vous devez à mon mari. Si vous les reslituez pour l’amour de moi, vous pouvez compter sur ma reconnaissance. — Belle dame, répondit le