Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
314
LES MILLE ET UN JOURS

que vous n’êtes pas fort contente du cadi. Il vous a refusé sa protection. Le docteur Danischemend est sans doute de ses amis. — Hélas ! répondit-elle, j’ai perdu ma peine. Il ne veut point nous rendre justice. Il ne nous reste plus aucune espérance. Qu’allons-nous devenir ? — Il faut, reprit Banou, s’adresser au gouverneur de Damas. Je lui ai vendu plusieurs fois des étoffes à crédit. Il me doit même encore de l’argent. Implorons son appui. Je crois qu’il voudra bien employer son crédit pour nous. »

Le lendemain Arouya, couverte de son voile, ne manqua pas d’aller chez le gouverneur. Elle demande à lui parler. On la mène à son appartement. Il la reçut avec beaucoup de civilité et la pria de se découvrir. Comme elle en connaissait les conséquences, elle voulut s’en défendre, mais il n’y eut pas moyen ; il la pressa si galamment de lever son voile qu’elle ne put s’en dispenser.

Si la vue de cette jeune personne avait enflammé le docteur et le cadi, elle ne fit pas moins d’effet sur le gouverneur, qui était un de ces vieux seigneurs qui courent toutes les beautés qui se présentent à leurs regards. « Que de charmes, s’écria-t-il ! je n’ai jamais rien vu de si piquant. Ah ! l’aimable personne ! Dites-moi, poursuivit-il, qui vous êtes et ce qu’il y a pour votre service. — Monseigneur, répondit-elle, je suis femme d’un marchand nommé Banou, qui a quelquefois eu l’honneur de vous vendre des étoffes. — Oh ! que je le connais bien, interrompit-il ; c’est un des hommes du monde que j’aime et que j’estime le plus. Qu’il est heureux d’avoir une si charmante femme ! Que son sort est digne d’envie ! — Il est bien plutôt digne de pitié, interrompit à son tour Arouya. Vous ne savez pas, seigneur, dans quel