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CONTES ORIENTAUX

Il l’obligea de s’asseoir sur un sofa, et de lever son voile ; mais il ne vit pas plutôt l’extrême beauté dont elle était pourvue, qu’il en fut aussi charmé que l’alfakih. « Ô canne de sucre ! s’écria-t-il, déjà transporté d’amour, belle rose du jardin du monde, apprends-moi de quoi il s’agit, et sois assurée par avance que je ferai pour toi tout ce que tu voudras. »

Alors elle lui parla de la mauvaise foi de Danischemend, elle le supplia très-humblement d’interposer son autorité pour obliger ce docteur à restituer ce qu’il devait à son mari. « Cela est trop juste, interrompit le cadi, qui se sentait enflammer de plus en plus, je saurai bien l’y contraindre. Il rendra les mille sequins, ou je lui ferai arracher les entrailles. Mais, charmante houri, continua-t-il en se radoucissant, songe, de grâce, que l’oiseau de mon cœur se trouve pris dans les filets de ta beauté : accorde-moi ce que tu as refusé à l’alfakih, et je vais tout à l’heure te faire présent de quatre mille sequins d’or. »

À ce discours, Arouya fondit en pleurs. « Ô ciel ! dit-elle, n’y a-t-il donc point de vertu parmi les hommes ? je ne puis en trouver un qui soit véritablement généreux. Ceux mêmes qui sont chargés de punir les coupables ne se font pas un scrupule de commettre des crimes. »

Le cadi tâcha vainement d’essuyer les larmes de la jeune femme. Comme il persistait à exiger d’elle des faveurs, et qu’il assurait que sans cela elle ne devait attendre de lui aucun service, elle se leva et sortit, pénétrée d’une vive douleur.

Lorsque Banou vit revenir sa femme, il ne lui fut pas difficile de juger qu’elle n’avait pas une bonne nouvelle à lui annoncer. « Je vois bien, lui dit-il,