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LES MILLE ET UN JOURS

mari ; et si ce vieux fou s’est ruiné par une conduite extravagante, je ne suis point assez sot pour contribuer à le rétablir. » À ces mots, il la fit sortir brusquement de sa maison, et peu s’en fallut même qu’il ne la frappât.

La jeune femme s’en retourna tout en pleurs au logis. « Mon cher Banou, dit-elle à son mari, le docteur Danischemend n’est pas plus honnête homme que vos autres débiteurs. Il a eu le front de me soutenir qu’il ne vous devait rien. — Ô l’ingrat ! s’écria le vieux marchand, est-il bien possible qu’il m’abandonne au besoin ? Mais que dis-je, m’abandonne ? Il est même d’assez mauvaise foi pour nier une somme qu’il a reçue. Le fourbe ! il paraissait un homme de probité. Je lui aurais confié toute ma fortune lorsqu’il m’a demandé mille sequins. À qui donc faut-il se fier aujourd’hui ? Que ferai-je, poursuivit-il, dois-je le laisser tranquille ? Non, je veux en avoir raison. Va trouver le cadi ; c’est un juge sévère, et l’ennemi juré des injustices. Conte-lui toute la perfidie du docteur. Je suis assuré qu’il aura pitié de moi, et me rendra justice. »

LXXXV

La jeune femme du vieux marchand alla chez le cadi. Elle entra dans une salle où ce juge donnait audience au peuple, et elle se tint à l’écart. La majesté de sa taille et son grand air la firent bientôt remarquer. Le cadi aimait naturellement le beau sexe. D’abord qu’il aperçut Arouya, il lui fit signe d’approcher, et la conduisit lui-même dans son cabinet.