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CONTES ORIENTAUX

parce que vous ne me voyez point de maîtresse. Pour vous désabuser, je vous dirai que j’aime comme vous, et que l’amour seul m’empêche aussi d’être heureux. Ce n’est point une princesse qui règne dans mon cœur, c’est une femme d’une conditition ordinaire qui m’occupe. Je vais vous conter cette histoire. Je n’avais pas dessein de vous faire pareille confidence ; mais vous m’en donnez une occasion que je ne veux pas laisser passer. »

HISTOIRE DE LA BELLE AROUYA

« Il y a quelques années, cnntinua-t-il, qu’il demeurait à Damas un vieux marchand nommé Banou. Il avait une fort belle maison de campagne assez près de la ville, deux magasins remplis de toiles des Indes et de toutes sortes d’étoffes d’or et de soie, avec une jeune femme d’une beauté extraordinaire.

Banou était un homme de plaisir. Il aimait la dépense et se piquait de générosité. Il ne se contentait pas de régaler ses amis, il leur prêtait de l’argent. Il assistait ceux qui avaient besoin de secours. Enfin, il n’aurait pas été satisfait de lui-même s’il eût passé un jour sans avoir rendu quelque service. Il trouva tant d’occasions d’exercer son humeur bienfaisante qu’il gâta peu à peu ses affaires. Il s’aperçut bien qu’il s’incommodait, mais il ne put se résoudre à changer de conduite ; de sorte que, se dérangeant de plus en plus tous les jours, il fut obligé de vendre sa maison de campagne, et il tomba insensiblement dans la misère.

Lorsqu’il vit sa fortune renversée, il eut recours à ses amis : il n’en reçut aucune assistance ; ils l’abandonnèrent tous. Il crut que du moins ses débiteurs